... contemporains.

"De façon générale je ne parlais à personne, je n'avais pas le temps ;
de façon générale j'étais trop occupé à t'écrire des lettres que je
cuisinais et mangeais cuites à l'eau. J'avais perdu plus ou moins
seize kilos. Je me nourrissais pour l'essentiel à base de mort
froide, de désastre sous vide, de petits enfers individuels déjà
tout préparés. On était de bons amis, assez proches qui se disaient
tout, on ne se voyait pas régulièrement mais rien n'eût su entamer
notre mutuel attachement. En passant, tu avais fait de moi de la
viande bonne pour la vermine ; après quoi, tu m'avais rappelé et
puis cessé de rappeler. Au total, tu avais cessé de rappeler, on
m'avait conduit aux urgences, on m'avait recousu, donné des cachets,
en revenant de la morgue où l'on m'avait autopsié j'avais commencé
d'aller mieux. Cela faisait maintenant sept ou huit siècles, je me
rétablissais de mon décès grave, je recommençais d'apprendre à
survivre, parfois j'allais fleurir ma tombe sur laquelle ne
poussaient que des tags et de l'herbe vivace."


Troisième extrait, plus long, plus substantiel et fouillé de Sphinx
d'Antoine Brea.

Point de départ : nouvelle évocation par le narrateur de son
avoir-été-quitté, puis inopinément elle l'appelle, il résiste un peu
puis va, très ému, la trouver.

Matière : émotion de la retrouver, douleur du dommage d'avoir été
quitté, jalousie sourde mais violente, toujours l'inadéquation des
sentiments.

Forme : maîtrise de la répétition décalée, du cadrage et du recadrage,
de l'approfondissement et du rebond. Imparfait, plus-que-parfait ;
imparfait du subjonctif ; "on" dans le sens pluriel accordé au
singulier quand même.



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