Deux architectes prennent la tangente


Deux ans au Japon ont amené Frédéric Nantois et Fiona Meadows à revoir leurs plans. Convaincus que tout aujourd'hui est d'abord une affaire de communication, les voici se muant d'architectes concepteurs en artistes conceptuels – entre "Maison du divorce" et parc de loisirs pour animaux !

"Magic Pet World est le premier parc de loisirs pour animaux. Conçu spécialement pour leur plaisir, offrant des attractions uniques, gratuit, il permettra à vos animaux de compagnie urbains de se délasser, tandis que vous-mêmes pourrez profiter d'un moment de repos égoïste." Derrière cette invitation ubuesque, Frédéric Nantois et Fiona Meadows, deux jeunes architectes qui se sont délibérément tournés vers l'expérimentation. Et qui, du coup, comme ils le remarquent
eux-mêmes, ont ainsi "pris la tangente de l'art" tant leurs questionnements sur l'urbain, le domestique et le technique y trouvent d'échos. De cette exposition à Malakoff – on n'en saura guère plus si ce n'est qu'on pourra y venir dès le 15 mai avec ses animaux domestiques...

Si Frédéric Nantois et Fiona Meadows tiennent à leur statut d'architectes, ils ont décidé, au terme d'un séjour de deux ans au Japon, que l'avenir de leur discipline n'était pas du côté des concours et des solutions techniques à trouver pour simplifier la vie des promoteurs. De retour en France, en 1992, ils montent une association, Archimédia, structure fort différente d'une agence d'architecture. "Nous pensons que tout est lié aux médias. Rien n'est neutre. Pas même la formulation d'un projet." De fait, les concepts que ces deux jeunes gens vont inventer sont à faire pâlir de jalousie les publicitaires les plus créatifs... Prenez La Maison du divorce. "Sa description est simple. Elle n'a rien à voir avec une maison pour couple séparé. C'est une maison de campagne pour des gens qui veulent changer d'air, se dépayser, être au vert avec une construction peu onéreuse. L'idée de départ est celle de la rupture, des gens qui vivent à Paris et qui fantasment cette pièce en plus qui leur manque dans leur appartement, cette pièce à soi. Ces personnes ne réclament pas un retour à la nature, ni ne souhaitent investir dans la maison familiale. IIs portent encore en eux cette idée de rupture avec le quotidien, d'un temps pour se réinventer." Une idée un peu folle, mais qui fonctionne : les gens demandent à voir, les deux architectes doivent répondre à la demande, expliquer la genèse de leur projet qui n'est encore qu'à l'état d'étude.

Peu importe, c'est leur façon de travailler : partir d'une hypothèse et construire petit à petit leur objet. Un mode de fonctionnement atypique dans le monde de l'architecture, mais qui se rapproche de la rigueur exigée par la recherche universitaire dont ils se réclament. A l'occasion de manifestations artistiques, ils racontent leur périple à travers les Etats-Unis, la visite de sun cities telles que Phoenix, expliquent la découverte capitale des trailer-homes, sorte de mobile-homes, et publient dans diverses revues dont la regrettée Parpaing des documents, des notes d'intention. En deux ans, la maison passe du pur concept à l'état de prototype.

Aujourd'hui, la maquette de cette maison est visible à Beaubourg, et un exemplaire unique a été construit en Normandie. "Il se présente sous la forme d'un parallélépipède de 30 mètres sur 3, dont une partie peut se détacher, glisser et donner à celui qui l'habite une curieuse impression de recul, la sensation d'être en dehors de la maison tout en y étant toujours." L'art de la pirouette.

Nicolas Thély
Extrait de Lemonde.fr

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