LA VICTOIRE
...
Ô bouches l'homme est à la recherche d'un nouveau langage
Auquel le grammairien d'aucune langue n'aura rien à dire
Et ces vieilles langues sont tellement près de mourir
Que c'est vraiment par habitude et manque d'audace
Qu'on les fait encore servir la poésie
Mais elles sont comme des malades sans volonté
Ma foi les gens s'habitueraient vite au mutisme
La mimique suffit bien au cinéma
mais entêtons-nous à parler
remuons la langue
lançons des postillons
On veut des nouveaux sons, des nouveaux sons, des nouveaux sons
On veut des consonnes sans voyelles
Des consonnes qui pètent lourdement
Imitez le son de la toupie
Laisser pétiller un son nasal continu
Faites claquer votre langue
Servez-vous du bruit sourd de celui qui mange sans civilité
Le raclement aspiré du crachement ferait une aussi belle consonne
Les divers pets labiaux rendraient aussi vos discours claironnants
Habituez vous à roter à volonté
Et quelle lettre grave comme un son de cloche
A travers nos mémoires
Nous n'aimons pas assez la joie
De voir de belles choses neuves
O mon amie hâte-toi
Crains qu'un jour un train t'émeuve
Plus
Regarde le plus vite pour toi
Ces chemins de fer qui circulent
Sortiront bientôt de la vie
Ils seront beaux et ridicules
Deux lampes brûlent devant moi
Comme deux femmes qui rient
Je courbe tristement la tête
devant l'ardente moquerie
Ce rire se répand
Partout
Parlez avec les mains faites claquer vos doigts
Tapez-vous sur la joue comme sur un tambour
ô paroles
Elles suivent dans la myrtaie
L'Eros et l'Antéros en larmes
Je suis le ciel de la cité
...
Extraits de Guillaume Apollinaire in "Calligrammes"
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Ô bouches l'homme est à la recherche d'un nouveau langage
Auquel le grammairien d'aucune langue n'aura rien à dire
Et ces vieilles langues sont tellement près de mourir
Que c'est vraiment par habitude et manque d'audace
Qu'on les fait encore servir la poésie
Mais elles sont comme des malades sans volonté
Ma foi les gens s'habitueraient vite au mutisme
La mimique suffit bien au cinéma
mais entêtons-nous à parler
remuons la langue
lançons des postillons
On veut des nouveaux sons, des nouveaux sons, des nouveaux sons
On veut des consonnes sans voyelles
Des consonnes qui pètent lourdement
Imitez le son de la toupie
Laisser pétiller un son nasal continu
Faites claquer votre langue
Servez-vous du bruit sourd de celui qui mange sans civilité
Le raclement aspiré du crachement ferait une aussi belle consonne
Les divers pets labiaux rendraient aussi vos discours claironnants
Habituez vous à roter à volonté
Et quelle lettre grave comme un son de cloche
A travers nos mémoires
Nous n'aimons pas assez la joie
De voir de belles choses neuves
O mon amie hâte-toi
Crains qu'un jour un train t'émeuve
Plus
Regarde le plus vite pour toi
Ces chemins de fer qui circulent
Sortiront bientôt de la vie
Ils seront beaux et ridicules
Deux lampes brûlent devant moi
Comme deux femmes qui rient
Je courbe tristement la tête
devant l'ardente moquerie
Ce rire se répand
Partout
Parlez avec les mains faites claquer vos doigts
Tapez-vous sur la joue comme sur un tambour
ô paroles
Elles suivent dans la myrtaie
L'Eros et l'Antéros en larmes
Je suis le ciel de la cité
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Extraits de Guillaume Apollinaire in "Calligrammes"
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