Pro_logue

Tu vivras de nombreuses passions, disait ma carte astrale, me plaçant sous l'ascendant d'amours intenses et fugaces. Un rosaire de noms reliés par des baisers, certains sobres, d'autres plus tendres. Ils sont plus ou moins grands, châtains ou bruns, il y en a de toutes sortes. Un trait commun les définit tous, la virilité qui s'agite avec inquiétude entre leur jambes.

Certaines s'affirment, hautes, orgeuilleuses. Fermes et obstinées, dressées comme des mâts. Puissantes et astucieuses, sûres d'elles, bonnes raisonneuses, mûres, décidées, elles envahissent tout. Elles entrent, s'approprient les lieux et, une fois introduites, solidement encastrées, elles savent qu'elles sont à leur place, connaissent leur rôle. Elles entrent, sortent, s'émeuvent, accélèrent le mouvement, conscientes de leur empire. Empires d'une nuit, monarchie d'un baiser.

Il en est d'autres plus petites, inquiètes, espiègles. Turbulentes, curieuses, elles ne manquent jamais d'espace pour jouer, chercher et se perdre. Douces exploratrices, elles vous échappent parfois, glissantes comme des couleuvres, comme le savon dans la baignoire. Elles patinent surprises, sur les cuisses mouillées, et repartent à l'escalade, anxieuses et impatientes, bondissant avec vivacité, vers le refuge humide et chaud qui les attend, elles le savent. Petits poissons qui sautent dans votre courant interne, heureux et trempés, peu leur importe comment et où. Jeunes d'esprit, c'est tout juste si elles se prennent elles-même au sérieux.

Tu pourras les aimer beaucoup sans jamais les posséder. Elles pourront t'aimer encore plus que sans que tu ne leur appartiennes jamais. Farouches et rieuses, fugaces et bruyantes, elles n'auront laissé ni sillage ni empreintes derrière elles. A peine le souvenir, flou et nostalgique, des heures heureuses, les seules qui comptent, celles qui sont véritablement vécues.

Extraits in "Amour, Prozac et autres curiosités" de Lucia Etxebarria chez 10/18 collection domaine étranger.

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