Extrait

(...)

"Je connais ce point, point-matrice car il est naissance et mort, départ et retour - et donc éternité - puisque recommencement. Point population car il est sucre et sel, obstacle et réceptacle - et donc éternité - puisque création.

Il existe de ces lieux géographiques qui induisent le partir. Et d'où on ne part pas. Et d'où on ne peut pas partir. L'ancre est enracinée au plus profond de l'âme. Elle a fait souche. L'esprit fugitif n'a que le droit des mots, ceux-là mêmes qu'il peut emprunter au vocabulaire des voyageurs. c'est raison du Poète d'être ailleurs, au-delà des traces, en avance des mémoires, à côté des signes. Et quand vitupère l'idée de la semaille, le Poète prend l'imaginaire à bras-le-corps et le fait accoucher de multiples parures, de trajectoires plurielles, de réminiscences d'avenir.

L'océan nourrit le prisonnier. La phrase court sur la crête des vagues comme le plancton nourricier des grands goélands, et l'alphabet du Poète se compose au rhythme des marées. L'énigme a son lieu, celui de l'écrit."

Tiré de "Fernando Pessoa" par Philippe Bidaine, Les Lieux de l'écrit.

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