Marie Dubuc à Pierre Chaleix
J'ai été mêlée à la vie de Lise Deharme et c'est ainsi que j'ai connu Antonin Artaud lors de sa venue chez elle avec les surréalistes Paul Eluard et André Breton. Ils ont passé tout un mois d'été à Montfort et je les retrouvais souvent soit chez Lise, soit chez moi. Mon goût pour les sciences occultes et mes petits dons de voyance ont été immédiates affinités entre Antonin Artaud et moi. Il venait me voir chaque jour et ce m'était émotion d'entendre le pas léger de ses sandales de cuir nouées à la grecque et de le voir entrer jeune, svelte, en chemise fine à col ouvert. Il s'asseyait sur une chaise basse, les mains ouvertes pour que j'en lise les lignes. Il m'écoutait avec autant de confiance que d'anxiété. J'avais vite appris à ménager une sensibilité exacerbée et si je m'attardais à lui révéler ce que je voyais dans ses cartes, son écriture, le tic nerveux de sa mâchoire ou l'arcade diabolique de ses sourcils, je recherchais surtout son apaisement. Il me quittait comme allégé d'une force difficile à guider ou à maintenir et ravi de m'avoir un peu communiqué ses propres angoisses. Quand il a quitté Montfort il m'a demandé de ne pas l'abandonner. Très prise par ma profession, je ne lui écrivais que de temps en temps, et dans le souci de ne pas laisser traîner mes papiers, j'ai dû brûler quelques-unes de ses lettres dont celles envoyées du Mexique, voyage que je lui déconseillais et qui lui a valu plus de désillusions que de profit.
Marie Dubuc (23 mai 1975)
Extrait de "Nouveaux écrits de Rodez", L'Imaginaire, Gallimard.
Certains ou certaines se retrouveront dans ces lignes ... et n'en dirai pas plus.
J'ai été mêlée à la vie de Lise Deharme et c'est ainsi que j'ai connu Antonin Artaud lors de sa venue chez elle avec les surréalistes Paul Eluard et André Breton. Ils ont passé tout un mois d'été à Montfort et je les retrouvais souvent soit chez Lise, soit chez moi. Mon goût pour les sciences occultes et mes petits dons de voyance ont été immédiates affinités entre Antonin Artaud et moi. Il venait me voir chaque jour et ce m'était émotion d'entendre le pas léger de ses sandales de cuir nouées à la grecque et de le voir entrer jeune, svelte, en chemise fine à col ouvert. Il s'asseyait sur une chaise basse, les mains ouvertes pour que j'en lise les lignes. Il m'écoutait avec autant de confiance que d'anxiété. J'avais vite appris à ménager une sensibilité exacerbée et si je m'attardais à lui révéler ce que je voyais dans ses cartes, son écriture, le tic nerveux de sa mâchoire ou l'arcade diabolique de ses sourcils, je recherchais surtout son apaisement. Il me quittait comme allégé d'une force difficile à guider ou à maintenir et ravi de m'avoir un peu communiqué ses propres angoisses. Quand il a quitté Montfort il m'a demandé de ne pas l'abandonner. Très prise par ma profession, je ne lui écrivais que de temps en temps, et dans le souci de ne pas laisser traîner mes papiers, j'ai dû brûler quelques-unes de ses lettres dont celles envoyées du Mexique, voyage que je lui déconseillais et qui lui a valu plus de désillusions que de profit.
Marie Dubuc (23 mai 1975)
Extrait de "Nouveaux écrits de Rodez", L'Imaginaire, Gallimard.
Certains ou certaines se retrouveront dans ces lignes ... et n'en dirai pas plus.
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