LA FILLE AU PARAPLUIE par Grosse Fatigue

Je vous propose encore d'aller découvrir les f(r)ictions du site de Grosse Fatigue.

Nous sortons en même temps sous la pluie diluvienne battante, ah quelle battante cette pluie, elle nous assassine, elle nous darde, elle nous en veut. La pluie lourde. Nous sortons en même temps mais j'ai l'accessoire, j'ai le parapluie. Nous avons la direction commune, la rue des arcades, l'abri urbain, le centre commercial. Deux cents mètres peut-être. Je la rattrape, c'est pas de refus bien sûr, elle s'abrite on marche. On ne se connaît pas.

Elle est aussi jolie de face que de profil que son cul je la regarde dans les seins dans les yeux, ses seins montrent ses dents, la voilà qui sourit la goutte à l'œil, on se presse elle me remercie. La pluie.

Elle aime peut-être Pat Metheny ça ne m'étonnerait pas, la pluie est un bienfait. On ne parle guère elle sourit. Je lui dis "On va à l'hôtel, histoire de découvrir les joies cachées des corps endolories ? " Mais ça n'est rien, Julien Clerc, ça n'est rien à côté de ce qu'elle me répond :
- Grosse Fatigue ?
- Pardon ?
- On se tutoie, non ?
- Si tu veux..
- Grosse Fatigue !
- (je feins, j'ignore) Pourquoi tu répètes ça ?
- Fais pas semblant qu'elle me dit ! Ton nom de scène ! Ton pseudo interplanétaire ! Je sais que c'est toi !
- Putain la vache ! que je lui dis. Mais bon euh, je vous ai jamais vue euh, toi, euh. J'en restais les bras ballants sous les arcades qu'on venait d'accoster comme un rivage.
- Fallait bien que ça t'arrive, après tes 100 000 visiteurs, ta petite gloire minable sur le net, dans les canards à qui tu réclamais un article sur ton talent, après ton 600ème texte !
- Mais je l'ai même pas encore mis en ligne ! C'est incroyable ça ! Je pris peur ou je prie peur, c'est comme on veut quand on est athée. Elle était magnifique de ses yeux méprisants elle me méprisait, enfin, mon personnage, serviteur, elle m'avait repéré dans la vraie vie ! C'est pas possible ça ! C'est pas possible ! La vie n'est pas un film hollywoodien ! C'est interdit ! Ça n'existe pas ! Qu'on me pince je rêve ! Au secours !

Elle me dit : "C'est pas mal ce que tu fais. Ça vaut pas qu'on s'y arrête longtemps, mais pour les paresseux au bureau, pour les consultants informatique, pour les chasseurs de tête, pour les secrétaires, pour les étudiants nostalgiques, pour les réacs connectés..." Elle sort un cahier de sa poche, elle lit, elle récite : "pour ceux qui s'emmerdent au bureau, pour les profs vieille école, pour les ronds de cuir des ministères, pour quelques Belges, trois Suisses, (forcément), 12 Canadiens (bien connectés), et aucun Tchétchène, ça passe le temps entre deux rendez-vous inutiles dont on disparaîtrait bien. " Elle poursuit : "pour les femmes en manque qu'ont pas encore vu ton gros derrière et t'es chauve et tes rides, pour celles qu'imaginent et pour ceux qui se verraient bien dans des comités de lecture, ah, un texte à se mettre sous la dent pendant la pause café, c'est pas mal."

J'avais les boules. Comme quand l'une d'entre-autres était repartie avec son ingénieur parce que c'était mieux avec moi mais plus sûr avec lui. Ah les boules ! Elle poursuivit :

J'ai des bas sous ma jupe, avec des porte-jarretelles tout neufs. Un slip noir en dentelle échancré mais pas un string vu que t'aime pas tant que ça. J'ai une guêpière par dessus pour faire l'insecte omnivore et je vais t'épuiser l'après-midi, la soirée, la nuit.

Et Joël Collado arriva, avec la météo pour aujourd'hui. Ma voisine allongée était une autre femme, la vraie, la femme de ma vie actuelle encore enceinte (elle est tout le temps enceinte depuis deux ans, je m'habitue), je me lève, j'ouvre le robinet à fond pour pas qu'il vibre, la vraie vie m'attend. Ah.

Ah.

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