Histoire du jeune homme bouleversé en marche vers la totalité du réel
(Extrait du Prologue - chapitre I)
Je cherche à vous plaire et, ce faisant, je n'aime pas votre bouche.
Ce qui m'énerve le plus en elle c'est sa mobilité.
Beaucoup de gens, dont je suis, imitent le rire et le mouvement
des lèvres dans la vie de tous les jours, ou si l'on veut, dans la
survie du lundi, mardi, mercredi, la sous-vie du week-end, et je
n'aime pas qu'on puisse vivre comme ça. Pianiste espoir de la
nouvelle génération, je voudrais vous raconter une nuit de famille
indienne qui provoquât en vous quelque sourire sostenuto,
permanent, sans bémol, dépourvu de toute limite de temps et
variation d'intensité. Je voudrais que vous ayez mal à l'heure où
le père de famille rentre du champ. Il me faudrait la garantie que
vous ne pourriez pas vous sortir du plaisir causé par le récit de
leurs premiers échanges verbaux banals. Je me tuerais de savoir
que vous n'allez pas voir votre coeur saigner et vos yeux larmoyer
à flots hors de toute perspective métaphorique quand la femme
portera la troisième bouchée de riz à sa bouche. Je n' accepte pas
ces métaphores. Je souffre quand vous arrêtez de lire, et les
instants qui un à un me rapprochent de la mort trouvent une à une
leur origine en vous, et vous seuls. Vos repas m'affaiblissent et
vos fêtes m'exténuent, que dire alors de vos départs en voiture.
Si vous vouliez me faire une place je monterais dans le coffre
pour vous parler des amis que je me suis faits dans l'avenir. J'ai
fui l'Europe et j'habite à New York. Les cheveux teints en noir et
assistant à un concert de free jazz, j'ai connu Beth qui a de
courtes bottines violettes. Nous nous sommes promenés dans
Manhattan et sur le coup de minuit nous avons bu une bonne bière
irlandaise dans un bar. Mais voilà, c' était l'avenir alors ; vous
êtes parti et n'avez pas voulu me suivre. Il est trois heures et
quart du mat et, sans vous dans la pièce vide, je me tourne vers
la fenêtre et oui je meurs encore.
Ludovic Bablon
(Extrait du Prologue - chapitre I)
Je cherche à vous plaire et, ce faisant, je n'aime pas votre bouche.
Ce qui m'énerve le plus en elle c'est sa mobilité.
Beaucoup de gens, dont je suis, imitent le rire et le mouvement
des lèvres dans la vie de tous les jours, ou si l'on veut, dans la
survie du lundi, mardi, mercredi, la sous-vie du week-end, et je
n'aime pas qu'on puisse vivre comme ça. Pianiste espoir de la
nouvelle génération, je voudrais vous raconter une nuit de famille
indienne qui provoquât en vous quelque sourire sostenuto,
permanent, sans bémol, dépourvu de toute limite de temps et
variation d'intensité. Je voudrais que vous ayez mal à l'heure où
le père de famille rentre du champ. Il me faudrait la garantie que
vous ne pourriez pas vous sortir du plaisir causé par le récit de
leurs premiers échanges verbaux banals. Je me tuerais de savoir
que vous n'allez pas voir votre coeur saigner et vos yeux larmoyer
à flots hors de toute perspective métaphorique quand la femme
portera la troisième bouchée de riz à sa bouche. Je n' accepte pas
ces métaphores. Je souffre quand vous arrêtez de lire, et les
instants qui un à un me rapprochent de la mort trouvent une à une
leur origine en vous, et vous seuls. Vos repas m'affaiblissent et
vos fêtes m'exténuent, que dire alors de vos départs en voiture.
Si vous vouliez me faire une place je monterais dans le coffre
pour vous parler des amis que je me suis faits dans l'avenir. J'ai
fui l'Europe et j'habite à New York. Les cheveux teints en noir et
assistant à un concert de free jazz, j'ai connu Beth qui a de
courtes bottines violettes. Nous nous sommes promenés dans
Manhattan et sur le coup de minuit nous avons bu une bonne bière
irlandaise dans un bar. Mais voilà, c' était l'avenir alors ; vous
êtes parti et n'avez pas voulu me suivre. Il est trois heures et
quart du mat et, sans vous dans la pièce vide, je me tourne vers
la fenêtre et oui je meurs encore.
Ludovic Bablon
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