PASTA PATOIS RASTAQUERE
Si tu aimes les bonnes vibrations, les "good vibrations" du reggae comme nous dirait Bernard Lavillier, alors cette petite histoire peut te permettre de mieux appréhender les astuces et jeux de mots qui glissent sur les rythmes au mépris de la grammaire anglaise.
Pour les rastas, le langage est une arène, un lieu de lutte politique et de transformation personnelle. Puisque l'Anglais est associé à la mise en esclavage (enslavement) du peuple africain, sa grammaire, sa phonologie et sa sémantique ne sont pas considérés comme venant du cœur ("heartical"), c'est-à-dire comme étant capables d'exprimer la conscience et la culture africaines. Au cours du XX° siècle, la structure phonologique des mots anglais fut sondée et cassée en deux pour exposer l'opposition entre les sons et la signification des mots. Ces morceaux furent ensuite ré-assemblés pour donner de nouveaux mots appelés up-full sounds. Par exemple, le préfixe de dans le mot dedicate (prononcé dead-i-cate) fut éliminé à cause de sa similarité sonore et signifiante avec le son de contenu dans les mots anglais death ou destruction. Le préfixe de fut remplacé par un son qui signifie l'inverse. En l'occurrence, live (la vie) est pris pour remplacer de (la mort) : dedicate devient donc livicate (live-i-cate).
Dans le mot understand, le son un fut de la même façon remplacé par le son o (de over). Understand devient ainsi overstand (ou parfois o-stand) pour montrer que tous les locuteurs d'une langue sont égaux et que, par conséquent, aucun d'entre eux ne peut être placé en dessous des autres (under = en dessous).
[...]
En somme, transformer les mots de Babylone en mots rasta (heartical words) est une démarche politique d'appropriation des concepts et du monde. Il s'agit par définition d'un processus continu puisqu'il correspond à une décolonisation des mots, des idées, des actions et des comportements. Cette attitude complète la démarche créole consistant notamment à omettre le début, le milieu ou la fin d'un mot (ex : workin' pour working).
Pas si con, hein lola rastaquère !!!
Lee Scratch Perry est entre autre un parolier génial. Dans Them belly full, il fait par exemple dire à Bob marley
"a hungry mob is an angry mob
A rain a fall but the dirt is tough
A pot a cook but the food no' nough"
(une foule affamée est une foule en colère
la pluie tombe mais le sol est dur
la marmite chauffe mais il n'y a pas assez à manger).
En quelques mots et pas mal d'ellipses, il restitue ainsi un contexte social et un message politique d'une force brute, jouant sur les similarités sonores pour mieux faire ressortir les constats dramatiques (hungry/angry ; cook/no'nough). Le message s'avère d'autant plus percutant que le refrain sera mémorisé par des millions d'auditeurs. Peter Tosh, lui, était passé maître dans l'art d'inventer des mots-valises pour exprimer la vision rasta et donner aux concepts, aux choses et aux gens un habillage sonore et textuel plus conforme à la vision qu'il en avait.
Pour Peter Tosh, le système se dit shitstem et la politique (politics) devient polytricks, l'art d'infliger aux gens toutes sortes de mauvais coups.
Si tu aimes les bonnes vibrations, les "good vibrations" du reggae comme nous dirait Bernard Lavillier, alors cette petite histoire peut te permettre de mieux appréhender les astuces et jeux de mots qui glissent sur les rythmes au mépris de la grammaire anglaise.
Pour les rastas, le langage est une arène, un lieu de lutte politique et de transformation personnelle. Puisque l'Anglais est associé à la mise en esclavage (enslavement) du peuple africain, sa grammaire, sa phonologie et sa sémantique ne sont pas considérés comme venant du cœur ("heartical"), c'est-à-dire comme étant capables d'exprimer la conscience et la culture africaines. Au cours du XX° siècle, la structure phonologique des mots anglais fut sondée et cassée en deux pour exposer l'opposition entre les sons et la signification des mots. Ces morceaux furent ensuite ré-assemblés pour donner de nouveaux mots appelés up-full sounds. Par exemple, le préfixe de dans le mot dedicate (prononcé dead-i-cate) fut éliminé à cause de sa similarité sonore et signifiante avec le son de contenu dans les mots anglais death ou destruction. Le préfixe de fut remplacé par un son qui signifie l'inverse. En l'occurrence, live (la vie) est pris pour remplacer de (la mort) : dedicate devient donc livicate (live-i-cate).
Dans le mot understand, le son un fut de la même façon remplacé par le son o (de over). Understand devient ainsi overstand (ou parfois o-stand) pour montrer que tous les locuteurs d'une langue sont égaux et que, par conséquent, aucun d'entre eux ne peut être placé en dessous des autres (under = en dessous).
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En somme, transformer les mots de Babylone en mots rasta (heartical words) est une démarche politique d'appropriation des concepts et du monde. Il s'agit par définition d'un processus continu puisqu'il correspond à une décolonisation des mots, des idées, des actions et des comportements. Cette attitude complète la démarche créole consistant notamment à omettre le début, le milieu ou la fin d'un mot (ex : workin' pour working).
Pas si con, hein lola rastaquère !!!
Lee Scratch Perry est entre autre un parolier génial. Dans Them belly full, il fait par exemple dire à Bob marley
"a hungry mob is an angry mob
A rain a fall but the dirt is tough
A pot a cook but the food no' nough"
(une foule affamée est une foule en colère
la pluie tombe mais le sol est dur
la marmite chauffe mais il n'y a pas assez à manger).
En quelques mots et pas mal d'ellipses, il restitue ainsi un contexte social et un message politique d'une force brute, jouant sur les similarités sonores pour mieux faire ressortir les constats dramatiques (hungry/angry ; cook/no'nough). Le message s'avère d'autant plus percutant que le refrain sera mémorisé par des millions d'auditeurs. Peter Tosh, lui, était passé maître dans l'art d'inventer des mots-valises pour exprimer la vision rasta et donner aux concepts, aux choses et aux gens un habillage sonore et textuel plus conforme à la vision qu'il en avait.
Pour Peter Tosh, le système se dit shitstem et la politique (politics) devient polytricks, l'art d'infliger aux gens toutes sortes de mauvais coups.
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