PRIONS par Grosse Fatigue
Dans la banlieue de New-York, de l'autre côté de l'Hudson au beau milieu de l'automne, m'accueillit à bras ouverts il y a si longtemps une amie américaine immigrée haïtienne. Le français pour elle et la foi en travers, je fis mes premiers pas en attendant de voir New-York - enfin, Manhattan, puisque c'était la même chose - et un soir de froid, en route vers Brooklyn de l'autre côté du mythe, j'aperçu dans un bonheur de guirlandes enfantines les quartz illuminés.
Lors de nos discussions sans issue, je fis la connaissance d'une autre américaine pour toujours et définitivement d'origine haïtienne. Je ne la vis finalement qu'une fois puis l'entendis longtemps. En tant que voisine de pallier de mon hôte, elle priait pour mon salut. En sanglotant, peut-être psalmodiant, peut-être moyenâgeuse, sans doute terriblement aliénée (j'étais vaguement influencé par mes lectures de Marx à l'époque). Enfin bref, j'étais un démon pour la première fois, comme dans Amityville, comme dans Carry, comme dans une connerie US. Puis dans New-York on me projeta dans un passé polonais lointain, des Juifs Hassidim en noir et blanc avec des bouclettes me firent comprendre un peu mieux leur présence dans les films de Woody Allen. Au milieu de la chaussée traversant dans les clous un grand Noir halluciné avec un porte-voix de la C.G.T. criait God. God allait nous punir, ou nous sauver, c'était selon. Et le dimanche mon égérie de l'époque allait à la messe avec sa mère, comme si de rien n'était. God était partout.
Allez donc comprendre ça quand vous avez toujours vécu dans un pays libre !
C'est très difficile. On a beau lire Tocqueville, on a beau comprendre que la concurrence que se livrent les églises sur le marché maintient le baromètre de la croyance très haut*, ça surprend... N'allez donc pas trop dire à un Américain que vous ne croyez guère, ou si peu, ou pas du tout, et que vous vous en foutez, et que vos copines faisaient du monokini de 1978 à 1994, jusqu'au jour où ce genre de mode provocante se banalisa tant que le comble de l'érotisme fut de montrer son nombril et la ligne de son string à ses professeurs de lycée. Surtout n'avouez rien ! Et pas le fromage au lait cru, et pas les escargots, ou les sandwichs à la limace, ou la douche par trimestre. Ils ne doivent rien savoir de nos secrets de bonheur candide et de séduction passagère...
En tout cas, quand on a vécu ça, Georges Bush est un peu plus compréhensible. Dans son monde à lui, être aussi con, c'est normal. C'est même une preuve d'honnêteté. On en vient à rêver d'un président plus sensible, plus humain, toujours prêt à nous jouer du sax ou de la (r) Monica. Mais ça n'existe plus. On n'a plus qu'à espérer un nouveau Vietnam, une prise de conscience politique de la jeunesse américaine, mais avec les frappes chirurgicales et la première armée du monde, c'est sans doute impossible....
* une bonne analyse de ce phénomène-là et de pleins d'autres dans le livre d'entretiens de Boudon, "Y-a-t-il encore une sociologie ?", Paris, Odile Jacob, 2002..
Grosse Fatigue tient un claque où vous retrouverez les soeurs de la brune de texte ci-dessus ainsi qu'une multitude d'autres.
Dans la banlieue de New-York, de l'autre côté de l'Hudson au beau milieu de l'automne, m'accueillit à bras ouverts il y a si longtemps une amie américaine immigrée haïtienne. Le français pour elle et la foi en travers, je fis mes premiers pas en attendant de voir New-York - enfin, Manhattan, puisque c'était la même chose - et un soir de froid, en route vers Brooklyn de l'autre côté du mythe, j'aperçu dans un bonheur de guirlandes enfantines les quartz illuminés.
Lors de nos discussions sans issue, je fis la connaissance d'une autre américaine pour toujours et définitivement d'origine haïtienne. Je ne la vis finalement qu'une fois puis l'entendis longtemps. En tant que voisine de pallier de mon hôte, elle priait pour mon salut. En sanglotant, peut-être psalmodiant, peut-être moyenâgeuse, sans doute terriblement aliénée (j'étais vaguement influencé par mes lectures de Marx à l'époque). Enfin bref, j'étais un démon pour la première fois, comme dans Amityville, comme dans Carry, comme dans une connerie US. Puis dans New-York on me projeta dans un passé polonais lointain, des Juifs Hassidim en noir et blanc avec des bouclettes me firent comprendre un peu mieux leur présence dans les films de Woody Allen. Au milieu de la chaussée traversant dans les clous un grand Noir halluciné avec un porte-voix de la C.G.T. criait God. God allait nous punir, ou nous sauver, c'était selon. Et le dimanche mon égérie de l'époque allait à la messe avec sa mère, comme si de rien n'était. God était partout.
Allez donc comprendre ça quand vous avez toujours vécu dans un pays libre !
C'est très difficile. On a beau lire Tocqueville, on a beau comprendre que la concurrence que se livrent les églises sur le marché maintient le baromètre de la croyance très haut*, ça surprend... N'allez donc pas trop dire à un Américain que vous ne croyez guère, ou si peu, ou pas du tout, et que vous vous en foutez, et que vos copines faisaient du monokini de 1978 à 1994, jusqu'au jour où ce genre de mode provocante se banalisa tant que le comble de l'érotisme fut de montrer son nombril et la ligne de son string à ses professeurs de lycée. Surtout n'avouez rien ! Et pas le fromage au lait cru, et pas les escargots, ou les sandwichs à la limace, ou la douche par trimestre. Ils ne doivent rien savoir de nos secrets de bonheur candide et de séduction passagère...
En tout cas, quand on a vécu ça, Georges Bush est un peu plus compréhensible. Dans son monde à lui, être aussi con, c'est normal. C'est même une preuve d'honnêteté. On en vient à rêver d'un président plus sensible, plus humain, toujours prêt à nous jouer du sax ou de la (r) Monica. Mais ça n'existe plus. On n'a plus qu'à espérer un nouveau Vietnam, une prise de conscience politique de la jeunesse américaine, mais avec les frappes chirurgicales et la première armée du monde, c'est sans doute impossible....
* une bonne analyse de ce phénomène-là et de pleins d'autres dans le livre d'entretiens de Boudon, "Y-a-t-il encore une sociologie ?", Paris, Odile Jacob, 2002..
Grosse Fatigue tient un claque où vous retrouverez les soeurs de la brune de texte ci-dessus ainsi qu'une multitude d'autres.
Commentaires